Fils unique de Gisu Tominokashi, guerrier attaché au Roi des Ryu Kyus, son aspect chétif et sa santé fragile le fit débuter la pratique du karaté.
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Il est à noter que le terme guerrier « Bushi », ou guerrier, est synonyme de « Samouraï » dans la langue japonaise.
Comme les « Samouraïs » furent uniquement des envahisseurs japonais, il n’y avait pas d’autochtone « Samouraï ».
On parle souvent de « Samouraï » (guerrier) dans la langue d’Okinawa, pour désigner un indigène issu d’une famille attachée au Roi des Ryu Kyus, ou un garde du corps de ce dernier. Ainsi, le terme de famille « Shizoku » signifie littéralement une « Famille de Samouraï », mais ici désigne une sorte de noblesse locale, sans aucun rapport avec celle du Japon.

On lui doit l’attribution officielle du terme Karate-do, l’importation de ce dernier au Japon depuis Okinawa. On le considère aujourd’hui comme le père, ou fondateur du Karaté moderne, et fondateur du style Shotokan.
Il fut né à Shuri dans le quartier de Yamakawa au début de l’ère Meiji, dans une période de profond changement, où le Japon fut basculé du Moyen-âge, vers une occidentalisation et un modernisme aussi rapide que vertigineux.
Malgré la noblesse de sa famille, son père alcoolique avait dilapidé la fortune de son père Gifuku. Le jeune Gichin fut confié à ses grands-parents maternels. Son grand-père qui était un homme très cultivé, eut sur lui, une influence non négligeable.

Enfant, Gichin pratiquait le Tegumi, une sorte de lutte locale. Comme il était plutôt frêle, ses camarades eurent l’habitude d’avoir toujours le dessus. A six ans il devint ami d’école du fils du Maître de Karaté Yasutsune Azato, Gichin Funakoshi se mit à étudier dès l’âge de onze ans, sous la férule de ce dernier, avec l’accord de son grand-père.
Il suivit de très près le code moral du Bushido jusqu’à sa mort. Il se comportait toujours comme un Samouraï.
De ce fait, il fut toujours d’apparence très soignée, il faisait sa toilette quotidienne pendant une heure, et s’inclinait chaque matin en direction du Palais impérial, puis du côté d’Okinawa, et ensuite prenait le thé.
Le karaté était encore interdit à l’époque des débuts de Gichin Funakoshi, et les entraînements avaient beaucoup lieu la nuit, en secret.

Beaucoup d’efforts furent entrepris ensuite par Gichin Funakoshi, et d’autres Maîtres, afin de sortir le Karaté de l’ombre et surtout de l’illégalité. Itosu fit même introduire le Karaté dans le système scolaire d’Okinawa.

Gichin Funakoshi falsifia sa date de naissance pour 1870, ou 1871 selon les sources, afin de passer le concours d’entrée de l’Ecole de Médecine de Tokyo. Malgré la réussite de l’examen, il ne parvint pas à y rentrer car il portait le chignon, symbole de masculinité du Samouraï. L’abolition du système féodal japonais et l’abolition de la caste de Samouraï avaient fait naître une loi interdisant le port du chignon. Il était en outre interdit de se promener avec un sabre, ou des habits aux couleurs vives à la manière dont le faisaient le Samouraïs d’antan. La famille Funakoshi, appartenant à la petite noblesse et soutenant le parti politique non-réformiste « Gankô-tô », au lieu du « Kaika-tô », avait toujours refusé de reconnaître cette loi qui interdisait le port du chignon, propre à son rang.
De par sa connaissance de la langue chinoise, Gichin Funakoshi entreprit ensuite des études littéraires.
En 1888, après la réussite d’un examen de l’école normale, il obtint son premier poste d’instituteur adjoint au sein d’une école primaire. Pour y accéder, il fallut qu’il accepte de couper son chignon, malgré les réticences familiales.
Il vécut très modestement, ayant la charge de ses parents, beaux-parents, son épouse, ainsi que ses quatre enfants.
Une promotion lui permit ensuite de travailler à Naha, ou il poursuivit le soir la pratique du karaté avec Maître Azato. D’autres Maîtres vinrent compléter sa formation vers trente ans, tels Matsumura Aragaki, Niigaki (disciple de Yara) qui lui apprit les katas Niseishi (Nijushiho), Unsu, ainsi que Sochin, et également les Maîtres Toona Kanryo, et Kiyuna Higaonna.

En 1902 Gichin Funakoshi fit une démonstration de Karaté devant les responsables de la province de Kagoshima.
En 1912, une flotte de la marine impériale du Japon sous le commandement de l’Amiral Dewa, fit escale à Okinawa.
Le Shobukai (association de promotion des arts martiaux, dont il était président) désigna Gichin Funakoshi pour effectuer une exhibition à l’équipage. Une douzaine de ses membres s’initièrent au Karaté pendant une semaine.
Entre 1914 et 1915, beaucoup de démonstrations furent données en public à Okinawa par Mabuni, Motobu, Kyan, Gusukuma, Ogusuku, Tokumura, Ishikawa, Yahiku, et Funakoshi.

Il fallait faire connaître le Karaté au Japon, mais il était nécessaire de trouver un homme suffisamment cultivé et lettré pour remplir cette mission. Gichin Funakoshi mesurait 1,67 mètre pour 65 Kg, et il fut dit qu’une centaine d’experts furent potentiellement capables de le battre en combat singulier. Malgré cela, Gichin Funakoshi était un des seuls à maîtriser parfaitement les subtilités de la langue japonaise, et les coutumes de la bonne société. Il fut un poète reconnu.
Certes d’autres experts furent sans nul doute plus convaincants au niveau martial, mais envoyer une brute ne parlant que le dialecte d’Okinawa, aurait provoqué l’hilarité d’un parterre de dignitaires d’écoles martiales dites nobles.
Cela aurait été un échec pour le Karaté de ne pouvoir être considéré comme un « Art » à part entière, mais comme une vulgaire lutte exotique de pêcheurs et paysans plus frustes que provinciaux.

En 1917, Gichin Funakoshi fit une démonstration au Butokuden de Kyoto, devant une assemblée de grands Maîtres d’arts martiaux japonais dit nobles, et tous anciens Samouraïs. Ce comité chargé de reconnaître les arts de guerre traditionnels ne considéra le Karaté que comme une forme de danse traditionnelle originaire de Okinawa.
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En 1921, le Capitaine Kanna originaire d’Okinawa et en charge du navire sur lequel voyagait le prince Hirohito, suggéra à ce dernier d’assister à une démonstration de Karaté. Gichin Funakoshi fut le superviseur de cette exhibition.

Il fit la rencontre de Maître Itosu, avec lequel il repartit au Japon y faire des démonstrations de Karaté.
A cette époque en 1921, Maître Choki Motobu enseignait déjà le Karaté au Japon.

Devant le succès de ces exhibitions, il resta pour enseigner. Le karaté s’était déjà implanté dès 1920 dans les écoles du Japon.
A ce moment, il changea son nom de Tominakoshi en Funakoshi, « Funa » signifiant « traverser l’océan en bateau ».

Gichin Funakoshi partit en mai 1922, pour y faire une démonstration devant le Ministre de L’Education Nationale d Japon.
Il s’agissait d’une fête des sports à Tokyo, organisée par le Butokukai.
Il laissa son épouse à Okinawa, sa fille et ses trois fils.
Il serait parti suite à une mésentente avec son épouse, et ignorait à ce moment là à 53 ans, qu’il ne reviendrait jamais.


Il fit une autre démonstration en privé, le 17 mai 1922 avec son assistant Shinkin Gima au Kodokan, sur la demande de Jigoro Kano, son ami et fondateur du Judo. Il exécuta le kata Kosokun (Kankudaï), puis son assistant fit Naifanchi Shodan.
Les deux experts partagèrent rapidement une grande amitié. Ils avaient de nombreux points communs. Les deux tentaient de promouvoir un art différent et inconnu. Ils n’avaient pas de grade reconnu par le sérail du Budo japonais. Ils possédaient le même esprit rationnel qu’ils utilisèrent pour expliquer scientifiquement l’efficacité de leur école, à une société japonaise avide de modernisme technique.
On doit notamment à Maître Kano, l’adoption du « Keiko gi » (tenue d’art martial) de Karaté.
M. Funakoshi devant effectuer une démonstration au Kodokan devant plus de deux cents judokas, en compagnie de son assistant Shinkin (Makoto) Gima. Il avait confectionné le même habit de Judo, avec une toile plus légère qu’il avait achetée à Tokyo, chez un grossiste du quartier de Kanda. Shinkin Gima pratiquant également le Judo à l’époque, possédait un « Judo gi ». Par souci d’uniformité, il endossa le jour de la démonstration le second « Karate gi », que M. Funakoshi avait cousu le jour même.
S. Gima possédait sa ceinture noire de Judo. G. Funakoshi n’avait pas de ceinture, et ne voulait pas porter une ceinture noire, sans permission de Maître Kano, puisqu’il n’en existait pas encore pour le Karaté. Il fut impossible que l’élève puisse porterl la ceinture noire, et le Maître une ceinture blanche. Il fut également impossible de dénicher deux ceintures blanches.
Arrivés au Kodokan, Maître Kano transmit sa réponse à l’intendant de l’organisation, afin que les deux karatékas portent la ceinture noire. S. Gima, qui vécut jusqu’à 92 ans devint également la première ceinture noire décernée par Maître Funakoshi.

Il s’installa définitivement à Tokyo en 1922 et y dispensa son enseignement sous l’appellation « Okinawa-te ».
Il commença à enseigner dans un dojo de 40m2 au sein d’une pension pour étudiants appelée « Meishojuku », où il vécut très modestement en qualité de gardien de cette dernière. Il réussit à réduire son budget de nourriture, en donnant des cours de Karaté au cuisinier de la pension.
Maître Funakoshi se mit ensuite à dispenser de son enseignement, dans le dojo de Kendo de Maître Hakudo Nakayama.
En 1924 il ouvre son premier dojo à Keio, puis le second en 1926 à Ichiko (Université de Tokyo). En 1927 les Universités de Waseda, Takushoku, et Shodai ont aussi leur dojo de Karaté. Il y a déjà une dizaine de dojos supervisés par Maître Funakoshi en 1930, dans les universités de Hitotsubashi, Hosei, Chuo, Senshu et dans le Nippon Medical College.
Victime de son succès, il rencontre dès 1927 des problèmes avec trois élèves s’adonnant à la pratique des assauts libres, munis de protections de Kendo. Maître Funakoshi, très attaché à la pratique traditionnelle est furieux. Il décida de bannir ce dojo.

A cette même époque, l’instruction fut confiée à Takeshi Shimoda. Ce dernier mourut brusquement en 1934. On dit qu’il fut assassiné pour nuire à l’expansion de l’enseignement de Maître Funakoshi. Ce dernier atteint de rhumatismes, ne pouvait enseigner qu’à titre occasionnel. Il chargea donc son troisième fils Yoshitaka (1915 – 1945), dit Gigo d’assurer l’instruction. Puis se sachant atteint d’une tuberculose pulmonaire, il s’entraîna avec acharnement, afin d’atteindre le plus haut niveau avant son dernier souffle. Il mourut à 30 ans. On dit qu’il cassait souvent des makiwaras en deux, et qu’il put percer un sac de frappe en cuir neuf. Ce dernier enseignait un Karaté différent de celui de son père. Techniquement parlant, il en résulte que le fils enseignait des positions plus basses, des esquives avec le buste tourné, et plus fréquemment le poing fermé. Il introduisit le yoko-geri (coup e pied latéral), le mawashi-geri (coup de pied circulaire), ainsi que le ushiro-geri (coup de pied en arrière) De fréquentes disputent éclataient entre père et fils, sous les yeux des élèves.

En 1936 son style devint officiellement le « Shotokan », dans le bâtiment du même nom dans le quartier de Meijuroko à Tokyo. « Shoto » est un pseudonyme sous lequel Maître Funakoshi écrivait des poèmes. Cela signifie littéralement « le bruit que provoque l’ondulation des pins sous le vent ». « Kan » désigne le bâtiment. Quatres autres dojos naissent les trois années suivantes. Maître Funakoshi avait toujours dispensé son enseignement sous le nom de « Karate-jutsu », et l’utilisation du terme « ryu » lui déplaisait fortement. C’est après de longs conciliabules en son absence, que le nom du dojo « Shotokan » fut choisit.

Il changea également les noms chinois des katas, pour des appellations japonaises.
Il laisse intact les idéogrammes Kara Te Do, mais les affublent d’un double sens mystifié.
Ces derniers peuvent être lus comme « Main de Chine » ou « Main de Cathay », clin d’œil aux origines de l’Okinawa Te. « Kara » est également une vieille expression bouddhiste, signifiant le vide, et « Te », la main.
On peut donc le traduire par « Main vide », « Main nue ».
« Kara » pourrait signifier plus subtilement le vide mental, esprit idéal du combat ou de la méditation bouddhiste Zen.

En 1945, la Seconde Guerre Mondiale détruisit le dojo du Shotokan. Maître Funakoshi dut se résigner à rejoindre Oita sur l’île de Kyushu, accompagné de sa femme et ses enfants. Après le décès de son épouse deux ans plus tard, il décida de s’établir à nouveau à Tokyo avec son fils aîné. En 1948, les américains autorisent à nouveau la pratique des arts martiaux.
Le Shotokan fut reconstruit dans les anciens locaux du Kodokan, dans la quartier de Yotsuya à Suidobashi, et cela grâce à des dons de ses élèves.

Il forma ceux qui sont devenus des légendes du style Shotokan, soit Masatoshi Nakayama, Hidetaka Nishiyama, Hirokazu Kanazawa. D’autre furent également élèves comme Shoshin Nagamine du Shorin-ryu, et brièvement Masutatsu Oyama fondateur du Kyokushinkai.

Son œuvre littéraire la plus importante « Karate do Kyohan », fut publiée en 1922 sous l’impulsion de Hoan Kosugi, célèbre artiste japonais qui dessina le fameux « Tigre du Shotokan », symbole du style.
Gichin Funakoshi fut également auteur de « Ryu Kyu Kempo Tode », et réédité avec quelques ajouts sous le titre de « Rentan Goshin Karate Jitsu ». Ces derniers comportaient la préface d’éminents personnages de l’époque tels : le Marquis Hisamasa, le gouverneur d’Okinawa, l’Amiral Yashiro, le Vice-Amiral Kanna, le Comte Shimpei Goto, le Lieutenant Général Oka, le Professeur Higaonna, et Bakumoto Sueyoshi du journal « Okinawan Times ».
Ce fut impressionnant de récolter autant de beau monde, de la part d’un petit instituteur, qui avait passé très peu de temps au Japon, dans une existence modeste. Il écrivit également « Karate-do Ichiro » ou "Karate-do, My Way of Life", et "Karate Nyumon", traduit en anglais en 1988 seulement.

Maître Funakoshi n’enseigna que quinze katas. Les autres furent enseignés par d’autres Maître amis, et venus au Japon lors de stages. Il devint en 1949 l’instrcuteur en chef de la Japan Karate Association (J.K.A), suite à la nomination par un de ses disciples, et fondateur de cette dernière, Isao Obata. Dès lors très âgé, Gichin Funakoshi n’enseigne plus, et n’est présent qu’à titre honorifique.
Des assauts libres sont introduits dans les examens de grades. Obata désapprouve cette nouveauté poussée par Hidetaka Nishiyama et Masatoshi Nakayama. Obata démissionne de ses fonctions en 1954.

Peut avant sa mort, Maître Funakoshi fit quelques gestes fébriles en affirmant ressentir à présent la véritable sensation du « Tsuki » (coup de poing). Gichin Funakoshi décéda le 26 avril 1957. On ramena ses cendres à Okinawa. On retrouve aujourd’hui malgré tout un monument à sa mémoire, à Kita-Kamakura près de Tokyo, dans le temple bouddhiste Zen de Enkaku-ji. On peut y lire quelques maximes de son crû, telles : « Karate ni sente ashi » (il n’y a pas d’attaque en Karaté), ou celle prononcée par Bouddha, et que l’on retrouve dans les sutras tel le Hannya Shingyo du Zen : « Shiki soku Zeku » qui signifie « les phénomènes sont produits par le vide, et le vide par les phénomènes », ou « tout n’est que vanité ».

Maître Masatoshi Nakayama organisa deux mois après, les premiers Championnats du Japon de Karaté.
Ces derniers furent remportés par Hirokazu Kanazawa.






Édité le 03.04.2013